Prière du roi Manassé

Le roi Manassé (687-642 av. J.C.) est rapporté dans 2 R21 et 2 Ch33 (2 Paralipomènes 33). Manassé, fils d’Ezékias, est un roi impie, qui s’est détourné de Dieu, a restauré le culte des idoles, se comporte avec violence. Le chatiment surviendra : après d’incessantes guerres dans lesquelles il entraînait son peuple, il fut vaincu la 22ème année de son règne, emmené couvert de chaînes en captivité à Babylone. Jeté dans un cachot dans la misère extrême, il se tourna enfin vers Dieu, reconnaît ses crimes, s’en repentit et pria. Après son retour de captivité, il fera restaurer le Temple et rétablir le culte divin.
Même si comme d’autres textes bibliques, il est absent de ce qui reste du «canon hébraïque», la tradition de l’Église connaît ce texte. Hors Bible, on le retrouve cité dans les Constitutions Apostoliques, Livre II — qui atteste donc de son usage liturgique dès le 3ème siècle — , dans le manuscrit Alexandrinus et dans l’Horologion original. On a aussi retrouvé à Qumrân une autre version de cette prière au milieu de cantiques. Et une traduction tardive hébraïque de la version grecque se trouve dans les fragments de la Guenizah du Caire. Dans la tradition occidentale originale, on la retrouve dans le Psautier Mozarabe (usage type gallican), et elle était placée en «répons» dans l’ancienne liturgie romaine orthodoxe dans un verset du Psaume 50. Dans la Vulgate, elle se trouvait en annexe du NT avec 3 et 4 Esdras.

La première évocation de ce mauvais roi adressant une prière de repentance à Dieu après avoir été vaincu par Babylone, est rapportée dans le 2ème Livre des Chroniques (2 Ch 33). Cette Chronique rapporte que le texte de la prière est dans 2 autres livres, qui comme beaucoup de livres évoqués dans l’A.T., n’ont été gardé ni par la tradition hébraïque, ni par la tradition chrétienne (Actes d’Ozée et Actes des rois d’Israël). C’est dans la LXX / Septante, la Bible de l’Église, que nous retrouvons le texte en élément séparé de la chronique de la vie du roi.

Cette prière de Manassé est lue durant l’Office des Grandes Complies (Apodeipnon) qui commence le soir du Lundi Pur ou lundi du début du Grand Carême, le lendemain du Dimanche de la tyrophagie (Exil d’Adam). Elle est lue vers la fin de l’Office. Elle comporte 3 parties :
a. l’invocation à Dieu
b. la reconnaissance de son état de pécheur et sa repentance
c.  la prière de demande de pardon

C’est une prière très éloquente, tout à fait appropriée pour la période du Grand Carême, période de repentance par excellence.
Elle est un exemple très marquant de l’utilisation par l’Église d’une prière de l’Ancien Testament pour ses offices liturgiques, car ses paroles reflètent l’attitude de repentance requise par les fidèles durant le Grand Carême.

1. Seigneur souverain, Dieu de nos pères, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de leur juste descendance,
2. Toi Qui as fait le ciel et la terre avec toute leur beauté,
3. Toi Qui as entravé la mer par la parole de Ton Commandement, Toi qui as fermé l’abîme et l’as scellé par Ton Nom redoutable et glorieux,
4. et devant Qui tout frémit et tremble face à Ta puissance !
5. En effet la magnificence de Ta gloire est insoutenable et irrésistible est Ta colère qui menace les pécheurs,
6. mais incommensurable et insondable est la miséricorde de Ta promesse,
7. car c’est Toi le Seigneur Très-Haut, compatissant, lent à la colère et plein de miséricorde, qui Se repent des maux qui frappent les hommes.
8. Toi donc, Seigneur, Dieu des justes, Tu n’as pas établi le repentir pour les justes, pour Abraham et Isaac et Jacob qui n’ont pas péché contre Toi, mais Tu as établi le repentir pour moi
pécheur,
9. parce que j’ai commis des péchés plus nombreux que le sable de la mer. Mes transgressions se sont multipliées, Seigneur, elles se sont multipliées, et je ne suis pas digne de lever les yeux pour voir la hauteur du Ciel à cause de la foule de mes péchés.
10. Je suis trop accablé sous le grand poids de mes chaînes pour relever la tête à cause de mes péchés. Il n’est pas pour moi de pardon car j’ai provoqué Ta colère, et j’ai fait ce qui est mal à Tes yeux en commettant des abominations et en multipliant des objets d’horreur.
11. Mais maintenant je plie le genou de mon cœur en implorant Ta bonté:
12. j’ai péché, Seigneur, j’ai péché, et mes transgressions, moi je les connais.
13. Je Te supplie et je T’implore : pardonne-moi, Seigneur, pardonne-moi, ne m’anéantis pas à cause de mes transgressions, ne garde pas de ressentiment pour l’éternité face au mal que j’ai fait, ne me condamne pas jusque dans les profondeurs de la terre! Car Tu es, Seigneur, le Dieu de ceux qui se repentent
14. et en moi Tu montreras ta bonté. Car, tout indigne que je sois, Tu me sauveras dans Ta grande miséricorde,
15. et je Te louerai sans cesse tous les jours de ma vie. Car toute la puissance des cieux Te loue et la gloire T’appartient pour l’éternité. Amen